Pour les fêtes, une pièce remarquable de la collection des AJC

Cette année, pour illustrer la carte de Noël des Archives des jésuites au Canada (AJC), nous avons puisé dans une pièce remarquable de notre collection. Il s’agit d’une scène de l’Adoration des mages tirée du livre d’Heures de Philippe de Montholon, daté de la fin du 15e siècle.

Les livres d’heures sont des recueils de prières quotidiennes destinés aux laïcs. Ils sont le pendant des bréviaires, utilisés par les clercs, qui rassemblent les prières récitées à l’occasion des huit offices de la journée. Les premiers livres d’heures apparaissent au 13e siècle et connaissent une large diffusion au cours des siècles suivants. Souvent richement enluminés, ils sont d’abord destinés à l’aristocratie, puis se répandent graduellement à d’autres couches de la société. Ils sont généralement de petite taille de façon à pouvoir être transportés.

La mise sur pied en 2018 de l’exposition Resplendissantes enluminures. Livres d’Heures du XIIIe au XVIe siècle dans les collections du Québec au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) a donné l’occasion à une équipe de chercheur.euse.s dirigée par Brenda Dunn-Lardeau, professeure au Département d’études littéraires de l’UQAM, d’approfondir les connaissances au sujet de ce précieux manuscrit. Nous ne savons pas avec certitude quand et comment il est entré dans la collection des AJC, mais nous savons qu’il en fait partie depuis au moins 1892, date à laquelle le père Arthur E. Jones, successeur du père Félix Martin à la tête des Archives du Collège Sainte-Marie, l’a prêté pour une exposition de la Société de numismatique et d’archéologie de Montréal.

Il est toutefois possible que le manuscrit soit arrivé au Québec bien avant. Nous savons en effet que de tels ouvrages circulaient en Nouvelle-France. Les religieuses hospitalières de Québec en réclamaient régulièrement auprès de leurs bienfaiteurs européens au bénéfice des malades, et des passages des Relations des jésuites nous apprennent que ces derniers en faisaient usage lors de leurs missions. L’une des hypothèses est que le manuscrit soit parvenu aux Ursulines de Québec par l’intermédiaire de Catherine

de Montholon, descendante de l’un de ses premiers propriétaires, Philippe de Montholon. À la mort de son mari, Catherine de Montholon s’est retirée chez les Ursulines de Dijon, qui étaient elles-mêmes les bienfaitrices des Ursulines de Québec. Si le manuscrit se trouvait bel et bien en sol canadien avant la suppression de la Compagnie de Jésus à la fin du 18e siècle, le père Félix Martin pourrait l’avoir récupéré lors du retour des jésuites au Canada en 1842. En effet, avant son décès en 1800, le père Jean-Joseph Casot, dernier survivant jésuite d’avant la suppression, avait confié une partie des documents de l’ordre aux religieuses hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Québec. Les documents récupérés au 19e siècle par le père Martin forment le noyau initial de la Collection des Archives du Collège Sainte-Marie, l’un des fondements de l’actuelle collection des AJC.

D’autres hypothèses demeurent toutefois à explorer et il n’est pas exclu que le manuscrit ait été intégré à la collection plus tardivement. Le livre d’Heures de Philippe de Montholon n’a pas encore livré tous ses secrets ! On peut en apprendre davantage à son sujet dans la notice rédigée par Brenda Dunn-Lardeau, Helena Kogen et Geneviève Samson dans le magnifique Catalogue raisonné des livres d’heures conservés au Québec produit dans la foulée de l’exposition du MBAM.

Références :

Dunn-Lardeau, B. (dir.). (2018). Catalogue raisonné des livres d’Heures conservés au Québec. Presses de l’Université du Québec. https://doi.org/10.2307/j.ctvt1shn9

Biron, J. (2016). Enquête sur la provenance et les pérégrinations de deux livres d’Heures enluminés du XVe siècle conservés aux Archives des jésuites au Canada. Renaissance and Reformation / Renaissance et Réforme, 39(4), 19–72. https://doi.org/10.33137/rr.v39i4.28159