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Le Collège Sainte-Marie et le Gesù
Le Gesù a été pendant plus de cent ans (1865-1969) la chapelle et la grande salle académique du Collège Sainte-Marie, fondé en 1848 par le P. Félix Martin, s.j. Le collège se voulait le successeur montréalais du fameux Collège des Jésuites, qui avait été fondé à Québec en 1635 et avait introduit le célèbre cours classique en Nouvelle-France.
Le Ratio Studiorum – le cadre pédagogique de la Compagnie de Jésus – remonte aux jours de saint Ignace de Loyola. Il vise à développer tous les aspects de la personnalité de l’étudiant : non seulement son esprit et son intelligence, mais aussi sa vie spirituelle et sa bonne santé physique. Le Ratio se consacre à tout ce qui permettra à l’étudiant de vivre sa vie « pour la plus grande gloire de Dieu ».
C’est ainsi que les cours à Sainte-Marie, sans négliger les sciences et les mathématiques, s’appuieront sur les grands textes des auteurs classiques de l’Antiquité tout comme sur les méthodes et pratiques de l’humanisme chrétien de la Renaissance. En 1840, le Ratio fut mis au jour du 19e siècle juste avant le retour des jésuites au Canada en 1842.
C’est également ainsi que le programme du Ratio fera une large place aux sports d’équipe ainsi qu’aux joutes oratoires et aux exercices religieux. Dès 1860, ces derniers exigeaient la construction à la fois de l’église du Gesù et d’un imposant auditorium. La première, le Gesù, fut ouverte au public en décembre 1865 et la seconde, l’auditorium de 300 places, en novembre 1866.
Sections de l’exposition
« La tête bien faite »
On a écrit au sujet du Collège Sainte-Marie que ce fut une institution montréalaise à nulle autre pareille. En fait, elle a beaucoup évolué, passant d’un régime bilingue, le seul à avoir présenté un cours classique complet en anglais, à celui de l’unilinguisme latin puis, après 1896, à l’unilinguisme français. Le contenu du programme a aussi changé lorsque, dans les années 1880, on y introduisit l’étude de la littérature du Grand Siècle français et, plus tard, des langues modernes telles l’allemand et l’italien. Plus tard encore, on a ouvert des laboratoires de chimie et de physique ainsi qu’un observatoire.
En plus, pendant cinq ans (1852-1857), le programme était accompagné d’un cours commercial en anglais et, pendant seize ans (1851-1867), d’une École de droit. Il est bien vrai cependant que, malgré les retouches, le cours classique du Ratio est demeuré fidèle à lui-même.
Ainsi se transmit « la tête bien faite » à six générations d’étudiants, depuis la cohorte de sept de 1848 à celle de 2 700 de 1968. C’est alors que la réforme confiée à la Commission royale d’enquête sur l’enseignement présidée par Mgr Alphonse-Marie Parent, ainsi que la fondation par le gouvernement provincial de l’Université du Québec à Montréal, ont amené la décision des jésuites de fermer le collège puis, en 1975, d’en démolir le pavillon principal.
La pratique religieuse
La pratique de la religion catholique est au cœur des programmes et de la vie étudiante du Collège Sainte-Marie. L’horaire quotidien des pensionnaires commence avec la messe à 6 h précédée à 5 h 30 par une lecture spirituelle tirée d’une collection spéciale de livres de dévotion et de prières. Pour les externes, la messe est à 8 h. En fin d’après-midi, il y a séance de confessions et la récitation du rosaire. Le souper à 19 h est suivi d’une autre lecture spirituelle pendant 15 minutes et de la prière du soir. Le dimanche, il y a une grand-messe en fin d’avant-midi et les vêpres à 14 h.
En 1860, le chiffre des étudiants inscrits ayant atteint les 250, la chapelle des messes quotidiennes et des vêpres du dimanche est devenue trop petite. Le Gesù est donc construit pour s’ouvrir en 1865, à la fois chapelle des étudiants et « chapelle publique ». Étudiants et jésuites sont fiers de l’accès à la nouvelle chapelle du Gesù, liée au grand pavillon du collège de sorte que l’on pouvait, paraît-il, vider en cinq minutes les quatre étages du collège et répartir les étudiants dans les bancs de la nef par la magie d’un grand escalier en tire-bouchon.
Une fois dans l’église, les étudiants ne pouvaient qu’être impressionnés par l’extraordinaire iconographie dominée par les deux grands tableaux représentant la première communion des deux jeunes saints jésuites, patrons de la jeunesse : Stanislas Kostka, 18 ans, et Louis de Gonzague, 23 ans. Les étudiants pouvaient ainsi se sentir en famille dans cette église, entourés de leurs saints patrons et, tout en haut, par le Sacré-Cœur dominant l’ensemble.
Le Théâtre
Le théâtre pour le savoir, pour la religion, pour les arts
Scientia. Religioni. Artibus.
Le Ratio Studiorum – le programme pédagogique des jésuites – considère le théâtre comme un élément essentiel de l’éducation classique. Reprenant la tradition inaugurée par la présentation d’un drame écrit en algonquin, en français et en huron et joué en public au Collège des Jésuites de Québec en juillet 1658, le Collège Sainte-Marie inaugura sa salle académique en 1852 en présentant la pièce Ésope au collège, œuvre d’un jésuite du 18e siècle. Plus tard, en 1866, pour inaugurer la toute nouvelle salle du Gesù, la pièce L’enfant prodigue était du même auteur, Paul de Cerceau, s.j.
Au début du 20e siècle, L’Aiglon, le drame bonapartiste d’Edmond Rostand, était des plus populaires, le scénario aux longues tirades souvent apprises par cœur par de nombreux étudiants. Produite une première fois en mai 1915 avec Henri Letondal dans le rôle principal, elle fut reprise maintes fois jusqu’à 1939 lorsque Jean Gascon en interpréta le rôle-titre.
Plus tard, durant les années 1940, plusieurs troupes de théâtre s’installent au Gesù : les Compagnons de Saint-Laurent, le Théâtre du Rideau Vert, l’Équipe, la Compagnie V.L.M., la Nouvelle Compagnie Théâtrale, le Théâtre du Nouveau Monde et beaucoup d’autres dont, remarquablement, les célèbres Fridolinades de Gratien Gélinas.
Après la fermeture du collège en 1969, ce sont l’église et le théâtre du Gesù qui continuent sur place la tradition quadricentenaire des jésuites.
Grand Dieu ! ce n’est pas une cause
Que j’attaque ou que je défends —
Et ceci n’est pas autre chose
Que l’histoire d’un pauvre enfant.
Les sports d’équipe
Une âme saine dans un corps sain
Mens sana in corpore sano
Dans tous les collèges jésuites, les jeux et les sports d’équipe sont d’une importance fondamentale. Dès les premières années, à Sainte-Marie, on voit apparaître des exercices gymnastiques et surtout des parties de crosse, le sport qui, durant les cent ans à venir, aura la faveur prioritaire des étudiants. Le ballon, la balle au mur, le baseball, le billard et la course à relais et en raquettes font bientôt leur apparition, tout comme, éventuellement, le hockey. En 1858, le Conseil étudiant crée le « Conseil des jeux » qui charge le jeune (17 ans) Honoré Mercier de la conservation et de la protection de l’équipement.
C’est aussi à Sainte-Marie, en collaboration avec le Collège Mont-Saint-Louis, que naît la ligue intercollégiale de hockey. Et c’est également Sainte-Marie qui est le premier collège à avoir une équipe de crosse bien organisée. Plus tard dans la ligue intercollégiale de football, les Chevaliers bleus, son équipe, sera la seule à remporter le championnat trois années de suite.