Des princes de la famille Bourbon-Parme au Collège Jean-de-Brébeuf

Lorsque les jésuites reviennent au Canada au début des années 1840, ils répondent entre autres à l’invitation de l’évêque de Montréal, Mgr Bourget, qui rêve d’un nouveau collège pour desservir la population catholique de la ville. L’éducation, en effet, est une mission fondamentale et un domaine d’expertise séculaire de la Compagnie de Jésus. Avec cette série, nous partageons avec vous quelques histoires dénichées dans les fonds d’archives des collèges fondés par les jésuites.


Photo de classe d’Éléments latins sur laquelle figure le prince Charles de Luxembourg, 1941-1942.
GLC C-6.S6.4.119.1.

Au début des années 1940, dans le contexte de la Deuxième Guerre mondiale, le Collège Jean-de-Brébeuf a accueilli de prestigieux invités issus de la noblesse européenne.

En mai 1940, la grande-duchesse Charlotte de Luxembourg et son époux, le prince Félix de Bourbon-Parme, fuient l’invasion de leur pays par les forces allemandes. Après plusieurs déplacements en Europe, ils trouvent refuge au Québec où s’établit par le fait même le gouvernement luxembourgeois en exil. La famille réside d’abord dans l’ancien manoir seigneurial de Saint-Henri de Mascouche avant de finalement s’installer à Montréal. Leur fils, Charles de Luxembourg, rejoint alors ses cousins, Jacques, Michel et André de Bourbon-Parme, fils du prince René de Bourbon-Parme et de la princesse Marguerite de Danemark, qui fréquentent le Collège Jean-de-Brébeuf. Pour les jeunes exilés, le collège jésuite présente l’avantage d’offrir un milieu d’enseignement à la fois catholique et francophone.

Photo de classe de d’Éléments latins sur laquelle figurent les vicomtes Martel et Romano Obert de Thieusies, le comte Charles de Chambrun et le baron Léon Van der Elst, 1941-1942. GLC C-6.S6.4.106.

Dans le diarium du préfet du collège – journal dans lequel les jésuites consignent les événements du jour – leurs noms figurent en effet sur une liste d’étudiants étrangers, au côté des barons Léon Van der Elst et Léon et Philippe Lambert, de Belgique, du comte Charles de Chambrun, de France, et des vicomtes Martel et Romano Obert de Thieusies. D’autres cousins de Charles, dont les enfants de l’ex-impératrice d’Autriche, Zita de Bourbon-Parme, en exil depuis la chute de l’empire austro-hongrois, fréquentent eux aussi des établissements scolaires québécois : l’Université Laval, le Collège Jésus-Marie de Sillery, le Collège Saint-Charles-Garnier de Québec et le pensionnat Saint-Louis-de-Gonzague.

Objet de curiosité pour les élèves et le personnel du Collège, Charles de Luxembourg apparait en première page de l’édition du 30 octobre 1940 du journal Brébeuf. Dans un article de l’édition du 6 octobre 1941, il raconte son départ précipité de Bruxelles – où il séjournait auprès de sa tante Zita – lors de l’invasion de la Belgique par l’armée allemande en mai 1940. Il relate ensuite son parcours rocambolesque à travers l’Europe, jusqu’au départ de sa famille pour l’Amérique à bord du USS Cruiser Trenton à l’invitation du président Roosevelt qui, à leur arrivée, les reçoit à Washington pour un dîner. Il raconte aussi l’émotion de sa première rencontre avec les élèves de sa classe et évoque avec nostalgie le souvenir de son pays.

Journal Brébeuf, 30 octobre 1940 et 6 octobre 1941. GLC C-6.S7.SS5.2.1.2.61, 69.

On retrouve dans le diarium du préfet plusieurs coupures de presse relatant les circonstances de l’exil au Canada de la famille grand-ducale et du gouvernement luxembourgeois. Collectionnées et assemblées à la manière d’un scrapbook, on y trouve aussi des pièces plus insolites qui témoignent de l’intérêt que suscite la présence de ces jeunes invités de marque, comme des enveloppes adressées aux princes Michel, André et Jacques de Bourbon-Parme et un télégramme envoyé au Collège par la baronne Lambert (Johanna de Reininghaus) concernant les bagages de ses enfants.

Diarium du préfet, septembre 1931-juillet 1945. GLC C-6.S1.SS6.2.3.2.

Le 8 janvier 1942, une inscription mentionne le départ définitif des princes Michel et André de Bourbon Parme et le retour à New York des barons Léon et Philippe Lambert, à la suite d’une maladie. Charles, quant à lui, fréquente le collège jusqu’en 1943, où il fait ses classes d’Éléments français, d’Éléments latins et de Syntaxe.


Sources Externes

Bernier Arcand, P. (2022). Les Bourbon-Parme dans les institutions d’enseignement du Québec. Histoire Québec, 28 (1), 24-28.

Bernier Arcand, P. (2010). L’exil québécois du gouvernement du Luxembourg. Histoire Québec, 15 (3), 19-26.


Galerie